Extrait du journal du Cartographe
26e jour de l'expédition : Nous avons enfin laissé là ces pécores de Quagmire dans leur nouvelle cité. Nous faisons désormais cap vers le nord, en longeant la côte ouest de la péninsule du serpent. Des milliers de vagues défilent sous nos pieds, tandis que l'enchanteur retrouve enfin son calme et sa sérénité.
La vie en promiscuité des derniers jour m'avait sérieusement tapé sur le système, si bien que je m'étais quasiment établi dans le nid de pie, afin d'échapper au tumulte et à la médiocrité de cette foule sans abri.
Ah ! Je vais pouvoir retourner dans mes quartiers et travailler à mes cartes et à mon herboristerie dans le silence le plus total - à l'exception des ronflements de Guimar, cela va de soit.
Nous voguâmes pendant une journée entière, qui fut si détendue que nous aurions pu croire à l'arrêt du temps.
Nous en profitâmes pour planifier notre chemin et nos actions. Notre premier objectif serait la visite de la troisième cité aquatique (sous-marine)... En espérant qu'elle se trouve bien à l'emplacement indiqué, et non à l'autre bout du continent.
La conque était censée se trouver en eau peu profonde. Etant donné nos acquisitions, plus ou moins récentes selon le cas, nous aurions la possibilité de respirer sous l'eau grâce à des bagues, des potions ou des sorts. La plupart des boites de conserves auraient également besoin de bonus magiques de natation, afin de ne pas rester coincer une fois en bas.
27e jour de l'expéditionLe lendemain, nous survolâmes un dédale d'îles, de lagons et de coraux. C'est sans aucun doute dans cette zone que la marchande et son navire avaient dû faire naufrage : Pas étonnant vu la dangerosité du milieu !
En début d'après midi, nous constatâmes une tache sombre et gigantesque, contrastant énormément avec le bleu limpide des eaux côtières : Yavdlom, la troisième cité-coquillage, engloutie sous des dizaines de mètres d'eau, reposait là, devant nous, tenant compagnie aux poissons et crustacés.
Après une courte étude de ce qui nous entourait, nous comprîmes mieux le terme de "coulée" utilisé plus tôt pour qualifier la conque : elle était en effet comme enfoncée dans un puits sous-marin, comme si le sol s'était effondré sous son poids.
Je suppute que quelques glissements de terrain doivent être à l'origine de cette situation plutôt cocasse pour cet antre à bernard-l'ermite géant.
Solinaris nous informa alors qu'une "aura divine" (d'une provenance immortelle) s'étendait autour de la cité. L'origine de la construction étant vraisemblablement elfique sombre (étant donné la description qui nous fut faîte de ses bâtisseurs), je supposais intérieurement que nous aurions à combattre des suppôts d'un immortel maléfique que vénèrent certains représentants de cette race.
Je constatais avec joie que Rabalam, le prêtre de Halav, avait finalement arrêté de bouder dans sa cabine, pour venir se joindre à notre expédition... Malgré la présence de Dimitri.
Génial, ces deux-là vont encore nous faire un festival, j'en rigole d'avance ! Leurs joutes verbales sonnent comme le doux sifflement d'un poignard dans une colonne vertébrale à mes oreilles : du plus pur amusement.
Cependant, nos bourrins de service ne seraient pas de la partie : Snaevar avait eu du mal à supporter notre nouveau départ, et se coltinait un mal de l'air plutôt carabiné.
Quant au nain... Ses joutes alcooliques avec le cuisinier de bord eurent raison de son estomac et de sa vitalité. Ceci dissuada Ifran et Kazandra de se servir de lui comme point d'ancrage en le jetant à l'eau, avec toute sa maille, "à l'abri" dans un tonneau.
Le sens de l'humour Slagovien commence à me plaire.
Le spectacle ne s'arrêta pas là, cependant, puisque le prêtre guerrier de Halav sauta à l'eau en cotte de maille, bouclier lourd et masse à la main, sans plus de réflexion. Ceci ne changeait pas de ses habitudes de fonceur, certes... Mais cela n'en reste pas moins marrant, surtout quand j'imaginais ce dernier s'écraser sur le sol sablonneux, avec 40 kilos de ferraille pur beurre et 55 mètres d'élan ! Nous pûmes alors dire qu'il avait définitivement touché le fond !
Pour ma part, je descendis avec mon équipement habituel, emportant avec moi un sac de sable en tant que lest... Si on m'avait dit que j'atterrirais directement sur la couane du prêtre, j'aurais certainement pris des semelles en plomb supplémentaires !
Nous nous rassemblâmes un peu plus tard devant l'entrée du coquillage, qui n'était pas gardée... et même grande ouverte ! Pas de porte, pas de verrou... J'ai juste l'impression de ne servir à rien...
Nous nous engouffrâmes alors à l'intérieur, dans la pénombre et la noirceur.
Inutile de dire que j'aurais aimé pouvoir embraser mon glaive au milieu de ces dizaines de milliers de litres d'eau. J'en aurait d'ailleurs été fort aise, car cela m'aurait permis de voir arriver le groupe de tritons qui fondit sur moi.
Ces créatures écailleuses et serpentines étaient fichtrement agiles sur leur terrain, contrairement à nous, dont les armes et les traits étaient ralentis par le soluté aqueux.
Par chance pour nous, ces bêtes n'étaient pas fort vivaces, ce qui contrebalança le manque de boucliers humains chez nous, et leur tactique consistant à s'attaquer à nous par tous les fronts. Il en arrivait en effet de partout. Ils étaient innombrables et rapides. Mais leur peau fine et lisse ne les protégeait pas beaucoup des coups d'épées et de lances.
A la fin du carnage, l'eau qui emplissait la salle s'était intégralement tintée de rouge, saluant notre victoire sur ces êtres aquatiques.
Nous ne savourâmes leur défaite que peu de temps, car la duré de nos moyens de respiration aquatique était limité, pour la plupart d'entre nous. Nous choisîmes alors de visiter la cité comme à notre habitude désormais : le sous-sol en premier, puis en remontant les étages un par un... Au boulot !
En bas, nous trouvâmes une porte... En métal ! oui, en métal ! la chose faisait sérieusement tache dans cette construction intégralement nacrée ! Sur la porte était écrit, dans un dialecte qui m'était inconnu, 3 mots secrets, qu'il nous fallu bien évidemment traduire. Par chance, il semblait que la moitié de ces caractère étaient d'origine elfique, et Ifran pris son temps pour nous les traduire en commun. Il n'était d'ailleurs pas aisé de communiquer sous l'eau... il nous donna ainsi ceci :
_H_N_P_L_S
Q_A_M_R_
Y_V_L_M
Alors que les autres se creusaient la tête sur la signification de ce texte à trou, j'examinais le mécanisme d'ouverture de la porte. Il était complexe, et le crocheter prendrait du temps et coûterait de la sueur...
A cet instant, je repensais à l'énigme et je compris : il s'agissait là du nom des 3 cités aquatiques, qu'il fallait très certainement prononcer pour entrer.
Avec une voix aussi haute et claire que je le pu au fond de l'océan, je citais les conques : Thanapolis, Quagmire, Yavdlom. J'eus alors la surprise d'entendre le mécanisme du verrou s'activer !... Mais la porte n'en resta pas moins coincée.
C'est alors que les prêtres durent se mettre à chanter ces trois noms en cœurs, car leurs pouvoir divins auraient certainement plus d'influence que mon athéisme en ces lieux. Ce fut d'ailleurs une scène vraiment hilarante que de les voir essayer de se synchroniser, tout en essayer de s'admonester.
Nous finîmes par tous nous prendre la main et chanter, afin de les aider au mieux.
...
Quand je pense que j'ai fait cela...
La porte finit par s'ouvrir sous nos implorations. Nous engouffrant un à un dans l'étroite pièce, j'examinais la porte suivante. Elle semblait de constitution identique à la précédente. C'est alors que la salle se vida de toute son eau, après que l'endroit d'où nous venions se soit refermé sur nous. Il n'était plus temps de reculer : nous réitérâmes la stupide cérémonie afin de continuer notre chemin.
A force de véhémences, le deuxième porte finit par s'ouvrir sur une salle en dôme, au milieu de laquelle se tenait
un être à la peau sombre et aux oreilles pointues...Les bâtisseurs de cités coquillages n'étaient pas des elfes sombres : on aurait d'avantage dit un hybride entre un alphatien et un elfe sylvain. Après nous être tous inclinés, agenouillés ou même aplatis au sol pour certains, nous avançâmes vers l'humanoïde, qui ne semblait être finalement qu'un mirage, ou une apparition magique quelconque. Toujours est-il qu'il n'avait aucune consistance physique.
Il se mit alors à nous raconter son histoire, comme un message enregistré qu'il nous délivra d'un ton mélancolique et monocorde :
Il était le
Mokubu, le dernier roi du royaume de Yavdlom. Yavdlom lui-même et les immortels nous avaient jugés dignes d'arriver jusqu'ici. Ainsi allait-il nous narrer les origines des cités coquillages et de leur peuple d'origine.
Avant la pluie de feu et Blackmore, la péninsule du serpent avait un climat plus tempéré. Deux groupes d'elfes passèrent par là : l'un partit vers l'est, vers Traladara, l'autre s'installa sur place. C'était le clan Sheyallia.
Un siècle plus tard, des colons de Tanagoro arrivèrent sur place.
Ces derniers pratiquaient la culture sur brûlis... Ce qui eut le dont d'exaspérer les elfes, friands de nature pure et traditionnelle. De nombreuses guerres et conflits éclatèrent.
Mais tant de morts inutiles convainquirent les deux partis de parvenir à un compromis : les tanagoros resteraient près des côtes, tandis que les elfes s'enfonceraient dans la forêt au centre du continent.
C'est dans ces forêts que les elfes rencontrèrent un groupe de petits humains très discrets, et à la peau pygmée : les Karimaris (que nous avions rencontré plus tôt lors de l'expédition).
La reine des pygmés leur demanda alors de rester hors de leur territoire, délimité par les arbres sacrés. Les elfes durent donc retourner auprès des Tanagoros.
Puis il y eu le grand cataclysme. Et les Tanagoros détruisirent de plus en plus de forêts, ce qui déclencha à nouveau la colère des oreilles pointues : ils étaient à nouveau repartis pour des siècles de guerres.
Puis ils finirent par faire la paix pour mettre fin à ce carnage, et se forcèrent à faire du mélange éthnique, afin que leur cultures nouent des liens puissants.
Les demis-elfes étaient nés.
Il y a 500 ans, un garçon nommé
Yav naquit d'un père Tanagoro et d'une mère elfe. Il avait la capacité de voir le futur, comme nombre d'autres demis-elfes de cette espèce.
Yav devint prêtre. Un jour, il eut une vision : les cités coquillages de son peuple ne seraient jamais finis à temps. S'ils restaient, ils disparaîtraient.
Il tenta alors de convaincre les rois d'émigrer leur peuple... mais ils refusèrent. Yav invoqua alors l'aide des immortels. Ceux-ci lui donnèrent un ultimatum : ils devaient partir ou périr du grand cataclysme dans leurs cités coquillage.
Ils lui délivrèrent alors un artéfact : la pierre de soleil, qui lui permettrait de guider l'élite de son peuple ver l'exil, à l'ouest, dans les terres sauvages.
La prophétie veut que, si la pierre est conservée et ramenée à la cité Yavdlom, la cité ressurgirait des flots.
Cela fait 500 ans, et il est le dernier gardien...
Il nous donna alors à tous un pendentif : celui-ci devait se mettre à briller quand nous serions proches de la pierre soleil. A nous désormais d'aller la retrouver, dans l'immensité des terres sauvages que nous devions de toute façon aller conquérir, pour la gloire et la richesse !
Nous repartîmes de la cité, et remontâmes à bord, ruminant, chacun dans notre coin, ce que nous venions d'apprendre, et notre mission à suivre.